Chasseurs et chassés [Djendal]

Djendäl avait manqué de vigilance. Une faute grave, pour un lycan comme lui. Lui qui, habituellement est l'incarnation véritable de la prudence, s'était fait piéger comme un débutant. Il ne saurait dire pourquoi, ou comment. La chute avait été rude ; dégringoler plus de cent cinquante mètres de graviers et rocailles, avec une patte déchirée et broyée par un foutu piège ne faisait pas du bien. La fuite avait été impossible, et les Hunters lui étaient tombés dessus. Ils l'avaient bâillonné, et roué de coups. Apparemment, vu leur champ d'action et la puissance de leur armes, ce n'étaient que des jeunes dans le domaine. Heureusement ! Mais pour l'heure, Djendäl était dans de sales draps. Attaché de partout, il attendait de se régénérer, en priant pour qu'il ne soit pas trop tard, car les Humains semblaient attendre leur aîné.

La brume ne s'était pas dissipée, et la vision se faisait restreinte pour des yeux normaux ; on y voyait pas à cinq mètres. Heureusement que les autres sens de Djendäl étaient en action. Mais mise à part entendre les Humains murmurer, fébriles, des choses entre eux, rien d’intéressant ne suscitait l'attention du lycan. Un odeur parvint soudain au lycan. Une odeur... de l'un de ses congénères ! Une vague d'espoir le submergea, et s'il avait été libre de ses actions, il en aurait sauté de joie. Sa muselière le serrait tellement fort, qu'aucun son ne pouvait se faire entendre de sa gorge. Sa queue, seule partie de son corps non emprisonnée, battait l'air avec haine envers ses ennemis, et espoir envers celui qui pourrait être son sauveur. Celui-ci ne sembla pas se manifester, et le jeune homme en fut bouleversé. Il entendait toujours les Humains Hunters qui se tassaient autour de lui :

- On devrait le tuer, marmonna l'un d'entre eux, et déguerpir d'ici. Je sens un danger tout proche.
- Tu plaisantes ? rétorqua un autre, il faut attendre l'arrivée de notre mentor ! Lui seul saura s'il faut le tuer, où le laisser en vie. De plus, nous n'avons pas les armes nécessaires pour venir à bout de cette chose.
- Quel idiot, quand même... se prendre un de nos pièges, alors que les lycans en règle générale sont, normalement suffisamment évolués pour les éviter !

Et le débat continua ainsi. Leurs dires cuisant n'agaçaient pas Djendäl, car il était déterminé à ne montrer aucun signe de vie, dusse-t-il à faire le mort. Sa patte le faisait souffrir, mais il sentait son corps s'activer pour la soigner. D'ici quelques instants, il sera de nouveau en état de la bouger... mais serait encore attaché, voire mort. Le garçon ferma les yeux, sentant une petite angoisse grandir en lui. Attendre, c'était sa seule planche de salut, et prier pour que son congénère vienne faire un carnage.

Allez ! Djendäl se rua immédiatement en dehors du campement, où tombait à présent la foudre. Foudre qui, d'ailleurs, était venue de nulle part... où alors, peut être que le ciel était orageux, ce qui, pourtant, semblait en désaccord avec cette épaisse brume qui recouvrait toujours le sol. Il ne discernait rien, sinon les mouvements étranges de son sauveur, qui, apparemment usait de ses pattes pour bondir comme un lièvre dans la nature, rendant sa poursuite assez compliquée. Mais le lycan y parvint à son aise. Sa patte était encore engourdie, mais elle lui permettait d'assurer la course, ce qui était plus qu'inespéré. C'était avec triomphe que lui-même plongeait dans sa liberté retrouvée, avec comme fond sonore, les cris paniqués des Hunters.

Le lycan était soulagé, maintenant. Son congénère était venu, et l'avait sauvé des mortels Hunters, bien qu'apprentis. Il lui était redevable, oui. Pendant sa course, Djendäl franchit avec grâce un tronc d'arbre qui barrait la route, le pelage sombre constellé de petites gouttelettes de brume. Il ne voyait pas grand chose, mais il sentait et entendait les bruissement des feuilles et des fougères produits par son lycan salvateur, qui le guidaient. Ils s'arrêtèrent après un moment, et le lycan commençait à sérieusement avoir mal à sa patte, bien que qu'elle fut cicatrisée. Le Sibérien alla se fondre comme son sauveur dans un buisson, en haletant. C'est alors qu'il le vit : blanc comme de la neige, immaculé. C'était un mâle - il en avait la confirmation. Deux yeux d’améthyste le contemplaient, contrastant parfaitement avec son pelage, qui ressortait lui-même, à présent, de la masse de végétation. Par réflexe, Djendäl lécha sa patte souffrante. Pas trop mal, tout ça, la régénération se poursuivait, bien qu'un peu retardée par le train d'enfer vécu à l'instant. Le lycan sombre était épuisé, mais terriblement soulagé, et reconnaissant. Cependant, alors qu'il s'apprêtait à lui parler, son interlocuteur fondit sur lui pour lui mordiller l'oreille, gentiment, en signe de réprobation. Surprit, Djendäl se laissa pourtant faire, et le regarda à son tour ; ce signe était souvent pratiqué chez les louveteaux, et non chez les adultes... quoi qu'il en soit, le lycan lui avait posé une question, et attendait une réponse :

- Je vais bien, merci à toi... Si tu n'avais pas été là, la Mort m'aurais fauché, soupira Djendäl en remuant les oreilles avec reconnaissance.

Il entreprit de faire sa toilette, comme pour chasser cette odeur persistante de cuir, qui l'avait tant serré le poil, à présent marqué, ainsi qu’aplatir son pelage pour dissimuler la peur qu'il avait eu, quand même. Puis, il redressa la tête un instant, et reprit forme humaine.

- Hm... Je ne t'ai jamais vu dans le coin. Je suis Djendäl, et je te dois la vie.

Au fur et à mesure qu'il parlait, il commençait à se sentir gêné ; embarrassé de s'être fait attraper de la sorte, et d'avoir mit la vie de son sauveur en danger par sa connerie. Mais bon, ils allaient bien, tous les deux, et c'était ce qui comptait. Le lycan sombre, alla se joindre à lui en s'approchant, sentant les brindilles lui chatouiller la nuque.

- Pourrais-je connaitre le prénom de mon sauveur ? s'enquit-il en rougissant, la tête penché d'un côté et les oreilles bien redressées.